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#28
NOVEMBRE - DECEMBRE 2012

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L'ÉDITO

« Si j’apprends qu’un Qatari s’est approché à plus de 50 mètres du domaine de la Romanée Conti, je fous une bombe au Parc des Princes ! ». À l'époque du « tweet » et de l'information hors de tout contrôle, le grand n'importe quoi est souvent de sortie. Sauf que là, on pardonne, car la parole est celle de l'humoriste Didier Porte. 

N'empêche. En quelques mois, les événements (et surtout la façon dont ils ont été rapportés) ont donné l'impression que la Bourgogne des châteaux de Côte-d’Or est à vendre. Après le magnifique site de la Rochepot, livré en pâture sur internet, après la cession des châteaux de Meursault et Marsannay à un actionnaire de Carrefour (la famille Halley), voilà-t-y pas qu'un Chinois se met à enlever le château clunisien de Gevrey-Chambertin pour une « bouchée » de yuans (8 millions d'euros), au nez et à la barbe de quelques producteurs locaux qui n'ont pas pu surenchérir, les pauvres.
Dans le désert médiatique de l'été, l'affaire a fait les choux gras des pigistes de permanence, pas toujours d’une grande rigueur. On a tout lu et son contraire. Jusqu'à croire, jacobinisme aidant, que vu d’en haut c'est la Bourgogne entière qui serait en proie au péril jaune. Au jeu de la surenchère du titre et du raccourci de l’information, le ridicule ne tue pas. Sinon, il y aurait beaucoup de morts parmi nos confrères parisiens.
On compte en revanche sur l'heureux propriétaire de Gevrey pour apporter sa pierre à l’édifice de la Bourgogne et faire ce qu'il faut pour sublimer le site, dans le respect des monuments historiques. Quant aux deux hectares de vignes qui vont avec, ils sont entre de bonnes mains, puisque confiés à l'un des plus grands vignerons du coin.
Tout cela rappelle les élans de vierges effarouchées qui ont accompagné autrefois l'annonce du rachat du château de Chailly par le Japonais Mike Sata. Même son de cloche, plus récemment, avec l'abbaye de la Bussière, reprise par une famille anglaise désireuse d’en faire un établissement haut de gamme. Pour ne pas écrire n'importe quoi, notre rédaction s'était même rendu jusque dans le Sussex, dans l’autre château des Cummings, s’assurant que ces derniers avaient bien les moyens et surtout le goût exigé pour sauver finalement un site que l'Eglise n'avait plus les moyens d'entretenir. Le résultat, on le connaît : tout comme Chailly, La Bussière fait aujourd'hui la fierté de notre industrie touristique. Si on vous dit tout ça, c'est parce que nous allons certainement devoir nous habituer à d'autres changements. Aux dernières nouvelles, par exemple, le château de Gilly serait en passe lui aussi de changer de propriétaire, en même temps que tout le groupe auquel il appartient (Grandes Etapes françaises) et ses huit autres établissements. Selon ces mêmes nouvelles, l'acheteur le plus probable serait un amoureux du patrimoine. Ce qui nous ravit d'avance, tant nous savons que les collectivités n'ont aujourd'hui plus les moyens d'assumer le rôle de gardien de ce patrimoine. Finalement nous avons plus à nous protéger de nous-mêmes que d'éventuelles « invasions » immobilières. Les actes de propriété ne font pas bouger les propriétés. La pierre et la terre sont immuables, ancrées dans une culture et un environnement locaux. Rien ni personne ne saurait les arracher à leurs fondations. Soyez le bienvenu à Gevrey-Chambertin, Monsieur Louis Ng Chi Sing.

Dominique Bruillot

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