#65 • juillet/septembre 2020
CÔTE-D'OR
MORVAN
SAÔNE-ET-LOIRE
NIÈVRE
YONNE
On aurait tant aimé suivre ça depuis la nacelle d’une montgolfière. Survoler l’immense champ de bataille pour voir des vaillants guerriers gaulois se faire étriper sur le sol d’Alésia par de beaux légionnaires romains bodybuildés. Les premiers, intuitifs mais indisciplinés, s’agitent comme les bachi-bouzouks en déroute. Les seconds sont organisés comme les soldats de la Wehrmacht. Fin de la partie. Mais en 52 avant JC, point de montgolfière. Seul angle de vue possible à cette époque, celui de La guerre des gaules, ouvrage écrit et pensé par l’empereur-reporter-stratège-autobiographe Jules César. D’éminents linguistes ont eu bien des difficultés à traduire ce livre. Ils ont réussi l’exploit de donner à une littérature jugée brillante mais inaccessible, une expression adaptée à notre époque. Remonter le temps et valider les fragments de l’histoire est un art précieux.
On ne sait pas tout pour autant. Quand il s’agit de comprendre le rite alimentaire des Gaulois et des Romains, il y a maintenant plus de vingt siècles, on fait appel à toutes sortes de techniques : l’archéologie, déjà, qui met au jour les morceaux témoins. Les rares écrits, toujours romains, sous réserve de savoir les apprécier. L’esprit de déduction des historiens. Au bout du compte, on apprend que nos ancêtres buvaient comme des trous un vin fourni par leurs illustres ennemis. Pas fous, ils font eux-mêmes pousser la vigne jusqu’à menacer économiquement leurs dealers sur leur propre terrain. On sait aussi que pendant la bataille, c’est chacun pour soi, l’homme au combat doit se débrouiller avec quelques céréales. Sans se poser la question de savoir s’il est allergique ou pas au gluten. En famille, les légumes sont légion et la viande plus souvent issue de l’élevage que de la chasse. Après tout, un mode de vie pas si éloigné du nôtre, en tout cas de celui que certains d’entre nous ont retrouvé au bénéfice du confinement, contraints de cuisiner ce qu’il y a sous la main, en circuit court…
Mais ! Eh oui, j’avais oublié d’en parler, par réflexe sans doute. Pendant trois mois, nous avons été mis à l’écart du monde actif, encerclés comme les Gaulois l’ont été, par un truc invisible et sournois. Il s’en est fallu de peu, pour nous comme pour tous ceux qui vivent de la culture, du tourisme, des arts de la table, du patrimoine et de l’événementiel… que s’arrête là aussi notre histoire. Bourgogne Magazine a perdu son numéro de printemps dans la bataille. C’est un moindre mal. La situation a sérieusement ébranlé notre modèle économique, sans nous mettre définitivement à terre. Mais nous sommes fragiles, jamais à l’abri d’une rechute ou d’un retour viral, et nous voulons laisser à ce brave Vercingétorix l’exclusivité de sa défaite.
Le lecteur est alors le meilleur de nos alliés. Mourir l’année de ses 25 ans, c’est l’âge de notre magazine, n’aurait pas été une fin envisageable. Il y a même un geste barrière pour que cela n’arrive pas. Par amitié, par conviction, par militantisme, par habitude, pour toutes les bonnes raisons que vous trouverez : abonnez-vous, achetez en kiosque !
Dominique Bruillot
Éditeur