61 • PRINTEMPS 2019
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COUVERTURE NATIONALE
COUVERTURE NIÈVRE
COUVERTURE SAÔNE-ET-LOIRE
COUVERTURE ANCY-LE-FRANC
Saint-Philibert a 1000 ans, Saint-Andoche 900, Bourgogne Magazine 25 seulement. À l’échelle du temps, nous sommes peu de choses. Un sentiment exacerbé face au spectacle sidérant, pour ne pas dire traumatisant de Notre-Dame en feu, qui rappelle dans sa violente démonstration que jamais rien n’est acquis, que tout peut disparaître sans prévenir. Quelle troublante fragilité ! Après l’incendie, les esprits s’échauffent. Pourquoi donner autant d’argent, aussi vite, à la reconstruction d’un patrimoine si merveilleux soit-il ? Alors qu’il y a tant de pauvres sur terre à nourrir ? Inévitablement, humainement, une catastrophe génère l’impuissance du constat et laisse place aux polémiques qui sont le fruit d’une frustration bien compréhensive. Drôle d’époque où l’on compare ce qui n’est pas comparable, où l’on s’enflamme pour un oui ou pour un non, sans discernement. Drôle d’époque qui fait la part belle aux charlatans de la philosophie de comptoir, dont les cruciverbistes nous donneraient une définition bien choisie : opportunistes en quête d’existence.
Deux de nos milliardaires du luxe ont une fois de plus rivalisé dans la surenchère en proposant leur soutien à la résurrection de Notre-Dame. Et alors ? François Pinault et Bernard Arnault, sont mécènes de l’art et voisins de vigne en Bourgogne. Le Clos de Tart et le Clos des Lambrays, leurs propriétés, se tutoient au sommet du pinot. D’une certaine façon, on peut donc considérer que la Bourgogne, par son attractivité hors norme, pourra participer à la reconstruction de l’un des plus beaux joyaux du monde. Ce patrimoine, nous le défendons corps et âme. Parce qu’il nous maintient en vie. Saint-Philibert et Saint- Andoche sont célébrés cette année. Ces deux édifices d’origine cultuelle ont une force qui dépasse le clivage religieux, ils sont l’incarnation de l’incroyable potentiel créatif des bâtisseurs. Dans leur sillage, ils entretiennent cette vénération pour le beau et pour le sens. On peut tout aimer dans la vie. Le charme désuet des meubles en formica, le vrombissement vintage d’une Terrot, le c’était mieux avant. Mais quand le patrimoine s’impose par le défi qu’il représente, hors du temps, il est bon d’en prendre soin. L’élan dont a bénéficié Notre-Dame, plutôt que de provoquer l’exaspération, devrait nous inspirer l’engagement. Dans ce numéro, par exemple, nous évoquons le sort du château d’Ancy-le-Franc. Sans la douce folie d’un mécène étranger, l’œuvre du Primatice serait tombée dans l’abandon. Combien de fois aussi, venons-nous en soutien de telle ou telle commune qui, faisant appel au financement participatif, veut sauver le clocher de son église ? Ces actions, si différentes en apparence et sans commune mesure, sont nourries par la même aspiration. Elles signifient que l’œuvre du passé est le témoignage de ce que nous pouvons réaliser à l’avenir. Le patrimoine brûle-t-il ? Certes non, il est la flamme qui nous éclaire.
Dominique Bruillot
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