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#23
JANVIER 2012

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L'ÉDITO

Bien avant les écrans plats, on l’appelait la petite lucarne. Elle et son tube cathodique avaient le pouvoir quasi dictatorial, faute de concurrence, de donner un relief à la fois inespéré, mais bien cadré, à ceux que la profession audiovisuelle appelle encore « les bons clients ». Henri Vincenot était de cette catégorie. En professionnels de la profession, Bernard Pivot, Jacques Chancel et les autres avaient flairé le coup, retirant de cet accent rocailleux servi sur un plateau (de télé s’entend), les ingrédients nécessaires à la « fabrication » d’une vedette très jacobine de la littérature.
Henri Vincenot n’était pas dupe de la situation. Il s’en amusait même. Ses citations et ses joutes verbales faisaient mouche dans les foyers de la France toute entière. Mais il connaissait aussi les limites de cette petite lucarne. Un cadre restreint, réducteur, qui aura pour revers de médaille de confiner l’homme dans un registre régionaliste, alors que ses horizons dépassaient de très loin ceux de la plupart de ses interlocuteurs.
« HV » avait du Maroc la vision de la Fraternité, de la guerre une sainte horreur, de la sainteté une distance malgré tout spirituelle, de la spiritualité un sens inédit de la représentation par la sculpture et la peinture qu’il pratiquait avec un indéniable talent. D’aucuns, voulant sans doute se distinguer sur les bancs confortables de leur université, tenteront plus tard de livrer de certains de ses textes une interprétation aussi fâcheuse que « fascisante ». Ces tentatives de démonstration, souvent post mortem, ne souffrent pas la confrontation avec ce qu’était en réalité HV. Ce personnage avait le courage de défendre, avec son cœur et ses mots, d’apparents paradoxes qui n’étaient en réalité que le voile d’un grand humanisme. Encore fallait-il savoir le regarder sous le bon angle. 
Ce que ne permettent pas forcément les beaux diplômes.
Les nombreuses étiquettes et tentatives de récupération dont il a été victime bien malgré lui, le rendent encore plus mystérieux. HV était une sorte de Giono à la bourguignonne, lui qui admira tant « le style, le génie, rude et puissant » de ce « frère » du Sud qu’il ne connut jamais, mais qu’il défendit avec fermeté lors de son emprisonnement. Comme Giono, Vincenot, fut absurdement soupçonné de sympathies communistes pour avoir déclaré que « la terre appartient à celui qui la cultive ». Comme Giono il savait attirer à lui une jeunesse qui découvrait « les vraies richesses qui, selon l’écrivain de Manosque, naissent de la terre et de ses travaux, de l’ordre naturel du monde et de l’insigne liberté de l’individu, incompatible avec la civilisation moderne et l’embrigadement qu’elle suppose ».
L’anarchie régnait en celui qui était en même temps l’incarnation du bon sens et de l’esprit de famille, de l’ordre naturel des choses. Tour à tour cheminot, conteur et pourfendeur des idées reçues, artiste inspiré et inspirateur, auteur dont on cause dans les salons parisiens et humble paysan à la ficelle-ceinture, homme de la Pourrie et des plateaux de télé… ce personnage hors norme affichait des valeurs et un comportement riches d’enseignements par les temps qui courent.
Le centenaire de sa naissance (il aurait franchi le siècle d’existence le 2 janvier dernier) était donc une opportunité rêvée pour faire revivre les voyages imaginaires de Vincenot et mettre en perspective son regard acerbe sur la société. Car, au bout du compte, vous constaterez que ce numéro pas vraiment comme les autres, consacré à un Bourguignon vraiment pas comme les autres, est porteur d’une grande modernité. 

Quitte à dire : « Vincenot, reviens ! »

 

Dominique Bruillot

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